Objet d'art

Disque pectoral inca en obsidienne

Ce disque d’une vingtaine de centimètres de diamètre est une obsidienne qui a été polie sur ces deux côtés. Il est bioconvexe, comme nos lentilles de lunettes !

Photo d'un disque circulaire en obsidienne

Disque pectoral inca en obsidienne 

© MNHN

Un profil particulier

L’obsidienne est un verre naturel d’origine volcanique, souvent d’un noir profond, qui rappelle du verre de par ses fractures en auréoles dites conchoïdales et ses arêtes pouvant être extrêmement tranchantes. Il s’agit le plus souvent d’une vitrocéramique car elle est composée de verre et de cristaux. En effet, si on dispose une lumière derrière ce disque, on peut déceler des stratifications noires et opaques au sein d’une masse dominante bien plus claire et transparente. Ces lits sont composés d’infimes cristaux de magnétite, un oxyde de fer noir, qui ont été étirés lors de l’épanchement volcanique de cette lave très spéciale qui a refroidit si rapidement qu’elle a formé une masse essentiellement vitreuse transparente d’une couleur beige pale. Même si cette masse vitreuse transparente contient une minorité de cristaux noirs et opaques de magnétite, nous observerons un volume majoritairement noir à brunâtre et vaguement translucide.

Ce disque inca est aujourd’hui exposé dans la galerie de Géologie et de Minéralogie au sein de l’exposition « Trésors de la Terre » avec un socle datant du XIXe siècle d’inspiration aztèque. Il est accroché en apparente suspension avec une lumière arrière ce qui permet de mieux voir les litages de magnétite qui le compose. Il garde toujours son cerclage en fer d’origine à travers lequel il fut auparavant soclé.

Des études très récentes impliquant les minéralogistes Pierre-Jacques Chiappero et François Gendron du Muséum national d’Histoire naturelle, ainsi que des chercheurs du C2RMF (sis au musée du Louvre) et de l’Institut de Recherches sur les Archéomatériaux ont montré que l’obsidienne provient du gisement de la coulée du Mullumica, près de la ville de Pifo à l’est de Quito.

Ce disque constitue donc l’une des pièces historiques majeures des collections nationales du Muséum dont l’histoire a marqué pour toujours l’Amérique latine.

Une expédition scientifique aux grandes retombées

Si certains ouvrages affirment que ce disque aurait été le miroir divinatoire de l’empereur aztèque Motezuma et qu’il serait passé entre les mains de Cortez, et de Charles Quint avant d’arriver en France via des corsaires, il n’en est rien.  En réalité, après que Newton postule l’hypothèque que la Terre est ovoïde et non sphérique avec un renflement au niveau de l’Équateur, une polémique fait rage. Pour tester cette hypothèse, mais aussi pour montrer la puissance de la France cartésienne envers les Anglais, Louis XV mandata une mission vers la Laponie au plus près du pôle Nord. Une seconde mission, composée — entre autres — des savants Louis Godin, Pierre Bouguer, Charles-Marie de la Condamine et Joseph de Jussieu, arriva en 1735 en Amérique du Sud au voisinage de l’équateur terrestre pour les mesures géodésiques1 requises.

Pour mener à bien leur mission royale, ces explorateurs devaient réaliser diverses mesures géodésiques à différentes altitudes proches de l’équateur terrestre, mission qui se révéla fort périlleuse.

  • 1Mesures qui visent à représenter la surface terrestre

Planche extraite de « Illustrations de Voyage historique de l'Amérique méridionale fait par ordre du Roi d'Espagne par Don George Juan... et par Don Antoine de Ulloa ». Notez, à la côte E, une « pierre de gallinace » (obsidienne) polie en miroir convexe qui pourrait être celui conservé au MNHN.

© Gallica - BnF - Bibliothèque nationale de France

Un objet de l'archéologie précolombienne

Extrait de l’Encyclopédie raisonnée des connaissances (…) par Fortuné Barthélemy de Félice (1774) XXXIII, p. 543

© Gallica - BnF - Bibliothèque nationale de France

La confrontation des mesures entre les régions de Laponie et de Quito prouva que Newton avait effectivement raison. Suite au succès de cette mission, le pays autour de Quito fut nommé « Équateur » à son indépendance en 1830 en mémoire de cette expédition française. Parallèlement à ces mesures, les explorateurs franco-espagnols décidèrent d’effectuer des mesures géodésiques au sommet du volcan Cerro Guagua Pichincha, alors connu sous le nom de Pichincha, culminant à 4 778 mètres et surplombant majestueusement la ville de Quito. En route vers son cratère, ils trouvèrent la sépulture d’un dignitaire inca, dans laquelle ils découvrirent ce disque.

Néanmoins, le contenu de cette tombe fut expédié en 1737 dans une caisse en direction de la France.

Parmi ses contenants, un disque aux marbrures surprenantes. Le fameux disque arrive en France en 1739 et le chevalier de la Condamine publie la version française de ces voyages (1751).

À écouter

Écoutez l'histoire du disque en obsidienne racontée par François Farges, Professeur du Muséum national d’Histoire naturelle.

D'autres histoires fabuleuses sur nos collections sont à retrouver dans Les Curieuses histoires du Muséum, un podcast original co-produit par France Culture et le Muséum national d'Histoire naturelle.

Article rédigé en février 2023. Remerciements à François Farges, Maître de conférences au Muséum national d’Histoire naturelle, pour sa relecture et sa contribution.

Notes de bas de page

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