Le Crétacé, la grande diversification avant la grande extinction
De - 145 millions à - 66 millions d’années, le Crétacé connaît un incroyable foisonnement de vie qui prend des formes très diverses. Il s'achève par une extinction massive qui signe la fin de l’ère mésozoïque, avec elle celle des ammonites et des dinosaures non-aviens.
Contexte géologique
Au Crétacé, la Pangée continue de se fragmenter avec pour conséquence l’apparition de l’Atlantique sud. L’Australie et l’Antarctique sont encore unis, de même que l’Amérique du Nord et l’Europe encore reliés par le Groenland. L’Inde s’est détachée de Madagascar et entame son voyage qui la rattachera bien plus tard à la Laurasie au Nord.
Après une période de refroidissement au début du Crétacé, le climat devient tempéré à chaud et humide. À la fin du Crétacé, les températures moyennes sont supérieures à 18 °C (15 °C et 2023) et il n’y a pas de glace aux pôles. Le niveau des mers s’élève. Au Crétacé supérieur (- 100 Ma à - 66 Ma) il est 200 à 300 m au-dessus du niveau de 2023 ! Il y a 5 fois plus de CO2 dans l’atmosphère qu’en 2023.
Changement de décor
La fragmentation des continents et l’ouverture de nouveaux espaces océaniques bouleversent le climat qui devient plus tempéré, puis chaud et humide vers la mi-Crétacé. Ces modifications ouvrent de nouvelles niches écologiques.
La Révolution des plantes à fleurs
La diversification massive des Angiospermes, les plantes à fleurs, qui colonisent la planète il y a - 130 millions d’années (Ma) constitue une véritable révolution écologique. Elles détrônent les conifères, fougères et cycas jusque-là majoritaires dans le paysage et se répandent très vite sur toute la planète sous des formes extrêmement variées (lianes, arbustes, plantes herbacées). Les fleurs et les fruits qui en naissent, leurs graines, leurs larges feuilles ou leur bois mort offrent une matière végétale riche et goûteuse, source de nourriture pour des insectes, des mammifères, des reptiles…
Du nectar pour les insectes
L’apparition des plantes à fleurs bouleverse le monde des insectes. Des espèces présentent au Jurassique s’éteignent, de nouveaux insectes pollinisateurs voient le jour, notamment les abeilles (- 100 Ma). Les papillons, guêpes et autres insectes déjà présents s’enrichissent de nouveaux caractères adaptés à leur nouvel environnement. Par exemple, des trompes permettant d’aspirer le nectar remplacent les mandibules de certains papillons. Les Angiospermes peuvent aussi contenir des poisons, plus souvent que les Gymnospermes (les plantes à ovule). Les insectes qui réussissent à les digérer profitent de nouvelles ressources sans concurrence.
Comment les insectes ont conquis la Terre
À environnement plus complexe, comportements plus complexes
De nouveaux comportements se font jour. Les insectes dits eusociaux comme les fourmis ou les termites forment des colonies organisées en sociétés complexes avec des castes et des individus reproducteurs ou non. D’autres développent des stratégies de mimétisme pour se fondre dans le décor et échapper à leurs prédateurs. C’est le cas de certaines libellules, ou des phasmes comme Cretophasmomima melanogramma (- 126 Ma) découvert en Chine.
Les dinosaures sont partout !
Avec la séparation des continents, les milieux se diversifient. Les dinosaures aussi. Ils occupent toute la planète, mais développent des caractéristiques différentes selon leurs milieux de vie.
Chez les théropodes carnivores, les Tyrannosauridés comme Tarbosaurus ou Tyrannosaurus (- 68 Ma) vivent en Asie et en Amérique du Nord. Les Abelisauridés tels Carnotaurus sont, eux, présents en Inde, en Afrique, en Europe et Amérique du Sud. De même, à la fin du Crétacé, chez les sauropodes herbivores, les Cératopsiens, caractérisés par leurs crêtes et leurs cornes tel Tricératops, ne se trouvent qu’en Laurasie. À l’inverse, les grands Titanosaures, peu présents en Laurasie, sont très diversifiés en Afrique, en Europe et en Amérique du Sud. Seuls sauropodes du Crétacé supérieur, les Titanosaures comptent des espèces qui peuvent mesurer jusqu'à une trentaine de mètres de long pour le plus grand connu : Argentinosaurus (- 97 à - 93 Ma).
… les mammifères aussi
Plus discrets que les dinosaures car de taille bien moins imposante, les mammifères sont bien présents au Crétacé. En grand nombre, sous des formes très variées et dans tous les environnements. Tous les régimes alimentaires sont représentés, des végétariens, aux insectivores. Certains comme Repenomamus robustus, de la taille d’un opossum, n’hésitent pas à croquer du dinosaure : on a retrouvé les restes d’un Psittacosaurus, dinosaure herbivore, dans l’estomac d’un spécimen fossile daté de 130 millions d’années.
Qu’est-ce qu’un dinosaure ?
Des géants dans les airs
Le ciel du Crétacé était souvent barré d’ombres gigantesques. D’impressionnants reptiles volants disputaient l’espace aérien aux insectes et aux premiers oiseaux.
Reptiles géants
Dans le ciel du Crétacé, les géants règnent en maîtres. Les plus grands d’entre eux sont les Ptérosaures, des reptiles volants apparus au Trias supérieur. Au Crétacé, les voici concurrencés par les premiers oiseaux. Aussi, à la fin du Crétacé seuls les plus grands ptérosaures subsistent, notamment Ptéranodon et ses 7 mètres d’envergure (- 86 Ma à - 84 Ma) ou Quetzalcoatlus et ses 10 à 15 mètres d’envergure (- 70 Ma à - 66 Ma).
Des dinos aux oiseaux
Le premier représentant connu des oiseaux est Archeopteryx, daté de la fin du Jurrassique (-150 Ma). Durant tout le Crétacé, ils ont prospéré et de nombreux groupes d’oiseaux aujourd’hui disparus se sont diversifiés, comme Iberomesornis romerali (- 125 Ma) découvert en Espagne, ou Confuciusornis (- 120 Ma) qui fait partie des nombreuses espèces fossiles découvertes en Chine. Tous les oiseaux modernes sont apparentés aux dinosaures. Ils sont donc les seuls dinosaures survivants de la crise de la fin du Crétacé.
Qu'est-ce qu'un fossile ?
Un monde aquatique
Au Crétacé, le niveau des mers est le plus élevé que nous connaissons de l’histoire de la Terre. De vastes étendues sont recouvertes d’eau peu profonde et chaude. L’Europe et l’Afrique sont des archipels d’îles. Dans ces eaux, on trouve de nombreuses espèces.
Réservoir alimentaire
Vers - 140 Ma, le climat se réchauffe, les micro-organismes marins foisonnent, et en particulier le plancton. Tous les organismes marins vont profiter de cette manne alimentaire. La vie abonde à tous les étages et sous toutes les formes, des échinodermes (étoiles de mer, oursins…) aux spongiaires, en passant par les invertébrés comme les coraux ou les crustacés, les mollusques ou les poissons. Certains s’approchent de leur forme moderne (le corail, le homard) d’autres développent des aspects particulièrement originaux, comme les ammonites qui affichent des formes déroulées très complexes.
Le Jurassique, une évolution sur mesure
Les reptiles marins occupent le terrain
Les crocodiles thalatosuchiens disparaissent à la fin du Crétacé inférieur (à partir de - 125 Ma). À - 90 Ma, les ichthyosaures s’éteindront également. Les plésiosaures, eux, s’épanouissent. Les plus emblématiques sont les spectaculaires Elasmosaures, des géants dont le cou démesurément long est surmonté d’une tête gracile, et les pliosaures, megaprédateurs équipés de mâchoires redoutables.
Les tortues marines apparaissent à - 100 Ma. Comme les autres reptiles marins, elles peuvent atteindre des tailles gigantesques durant le Crétacé supérieur : jusqu’à 3 mètres de long et 5 mètres d’envergure pour Archelon, proche des actuelles tortues luth. Les 2 familles que nous connaissons aujourd’hui (les Chelonidae — tortue Caouanne, tortue imbriquée…, et les Demochelyidae — les tortues Luth) existaient déjà au Crétacé !
Les Mosasaures, les T-Rex des mers
Les rois des océans à la fin du Crétacé ce sont les mosasaures ! Pouvant atteindre 15 mètres de long, Mosasaurus est un megaprédateur doté de mâchoires puissantes mesurant 1m30 de long. Ses dents robustes, acérées et recourbées vers l’arrière tapissent jusqu’à son palais, empêchant les proies de toute taille de sortir de sa gueule. Poissons, ammonites, autres reptiles marins… il peut avaler n’importe quoi !
Des poissons à foison
Les poissons pullulent. Chez les raies et les requins, certains rivalisent avec les reptiles megaprédateurs. C’est le cas de requins géants comme Scapanorhynchus qui atteint près de 5 mètres de long ou Otudus qui frôle les 6 mètres. À – 100 Ma apparaît un nouveau groupe, les poissons osseux. Certains sont aussi des géants tels que Leedsichtys et ses 15 mètres, mais qui lui, se nourrit de plancton. D’autres, de taille moyenne, n’en sont pas moins de redoutables carnivores. Ainsi, Enchodus retrouvé en Amérique du Nord et en Méditerranée peut embrocher des céphalopodes ou d’autres poissons grâce à ses longues dents en forme de sabre.
Qu'est-ce qu'un poisson ?
Le mystère d'une extinction
Il y a 66 millions d’années, les dinosaures non-aviens (autres que les oiseaux) disparaissent , ainsi que tout un cortège d’autres espèces terrestres ou marines dont les ammonites. Cette crise biologique marque la fin du Crétacé et de l’ère mésozoïque. Impact d’une météorite géante avec la Terre ? Épisode volcanique particulièrement violent ? Probablement une conjonction de différents facteurs dont les conséquences (séismes, nuages de cendre ou de poussière, refroidissement de l’atmosphère, régression marine…) sont également dévastatrices pour la biodiversité. Les chanceux qui survivront à cette crise profiteront de la place laissée par les dinosaures non-aviens pour prospérer à l’ère suivante.
Frise chronologique
Dossier rédigé en octobre 2023. Remerciements à Peggy Vincent, paléontologue spécialiste des reptiles marins du mésozoïque, chargée de recherche CR2P - UMR 7207, Nathalie Bardet, paléontologue spécialiste des reptiles marins, directrice de recherche CNRS CR2P - UMR 7207, André Nel, paléo-entomologiste, Professeur Institut de systématique, Evolution, Biodiversité - UMR 7205, Olivier Bethoux, paleontologue, chargé de la conservation des collections d'insectes préservés en empreintes, maître de conférence, CR2P - UMR 7207, Ronan Allain, paléontologue chargé de la conservation des collections de reptiles et d'oiseaux fossile, maître de conférence CR2P - UMR 7207, Florent Goussard, ingénieur d'études CR2P - UMR 7207, Anaïs Boura, paléobotaniste, maître de conférence CR2P - UMR 7207 pour leur relecture et participation.